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devienne à son tour une tyrannie qui écrasera ou combattra d’autres innovations également légitimes et désirables.

J’ai toujours trouvé le mot inspiration très ambitieux et ne pouvant s’appliquer qu’aux génies de premier ordre. Je n’oserais jamais m’en servir pour mon propre compte, sans protester un peu contre l’emphase d’un terme qui ne trouve sa sanction que dans un incontestable succès. Pourtant il faudrait un mot qui ne fît pas rougir les gens modestes et bien élevés, et qui exprimât cette sorte de grâce qui descend plus ou moins vive, plus ou moins féconde sur toutes les têtes éprises de leur art. Il n’est si humble travailleur qui n’ait son heure d’inspiration, et peut-être la liqueur céleste est-elle aussi précieuse dans le vase d’argile que dans le vase d’or : seulement, l’un la conserve pure, l’autre l’altère ou se brise. La grâce des chrétiens n’agit pas seule et fatalement. Il faut que l’âme la recueille, comme la bonne terre le grain sacré. L’inspiration n’est pas d’une autre nature. Prenons donc le mot tel qu’il est, et qu’il n’implique rien de présomptueux sous ma plume.

Je sentis, en commençant à écrire Indiana, une émotion très vive et très particulière, ne ressemblant à rien de ce que j’avais éprouvé dans mes précédens essais. Mais cette émotion fut plus pénible qu’agréable. J’écrivis tout d’un jet, sans plan, je l’ai dit, et littéralement sans