Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 10a13 1855 Gerhard.djvu/190

Cette page n’a pas encore été corrigée

davantage ce en quoi il s’est senti le plus puissant, et il s’est moqué de cette erreur de la critique qui veut imposer un cadre, des sujets et des procédés aux artistes, erreur dans laquelle le public donne encore, sans s’apercevoir que cette théorie arbitraire étant toujours l’expression d’une individualité, se dérobe la première à son propre principe et fait acte d’indépendance en contredisant le point de vue d’une théorie voisine ou opposée. On est frappé de ces contradictions quand on lit une demi-douzaine d’articles de critique sur un même ouvrage d’art ; on voit alors que chaque critique a son critérium, sa passion, son goût particulier, et que si deux ou trois d’entre eux se trouvent d’accord pour préconiser une loi quelconque dans les arts, l’application qu’ils font de cette loi prouve des appréciations très diverses et des préventions que ne gouverne aucune règle fixe.

Il est heureux, du reste, qu’il en soit ainsi. S’il n’y avait qu’une école et qu’une doctrine dans l’art, l’art périrait vite, faute de hardiesse et de tentatives nouvelles. L’homme va toujours cherchant avec douleur le vrai absolu, dont il a le sentiment, et qu’il ne trouvera jamais en lui-même à l’état d’individu. La vérité est le but d’une recherche pour laquelle toutes les forces collectives de notre espèce ne sont pas de trop, et cependant, erreur étrange et fatale, dès qu’un homme de quelque capacité aborde cette