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pour me prêter à une idéalisation quelconque. Si j’avais voulu montrer le fonds sérieux, j’aurais raconté une vie, qui jusqu’alors, avait plus ressemblé à celle du moine Alexis (dans le roman peu récréatif de Spiridion) qu’à celle d’Indiana la créole passionnée. Ou bien, si j’avais pris l’autre face de ma vie, mes besoins d’enfantillage, de gaîté, de bêtise absolue, j’aurais fait un type si invraisemblable, que je n’aurais rien trouvé à lui faire dire et à lui faire faire qui eût le sens commun.

Je n’avais pas la moindre théorie quand je commençai à écrire, et je ne crois pas en avoir jamais eu, quand une envie de roman m’a mis la plume dans la main. Cela n’empêche pas que mes instincts ne m’aient fait, à mon insu, la théorie que je vais établir, que j’ai généralement suivie sans m’en rendre compte, et qui, à l’heure où j’écris, est encore en discussion.

Selon cette théorie, le roman serait une œuvre de poésie autant que d’analyse. Il y faudrait des situations vraies et des caractères vrais, réels même, se groupant autour d’un type destiné à résumer le sentiment ou l’idée principale du livre. Ce type représente généralement la passion de l’amour, puisque presque tous les romans sont des histoires d’amour. Selon la théorie annoncée (et c’est là qu’elle commence), il faut idéaliser cet amour, ce type, par conséquent, et ne pas craindre de lui donner toutes les puissances