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Enfin je commençai Indiana, sans projet et sans espoir, sans aucun plan, mettant résolûment à la porte de mon souvenir tout ce qui m’avait été posé en précepte ou en exemple, et ne fouillant ni dans la manière des autres, ni dans ma propre individualité pour le sujet et les types. On n’a pas manqué de dire qu’Indiana était ma personne et mon histoire. Il n’en est rien. J’ai présenté beaucoup de types de femmes, et je crois que quand on aura lu cet exposé des impressions et des réflexions de ma vie, on verra bien que je ne me suis jamais mise en scène sous des traits féminins. Je suis trop romanesque pour avoir vu une héroïne de roman dans mon miroir. Je ne me suis jamais trouvée ni assez belle, ni assez aimable, ni assez logique dans l’ensemble de mon caractère et de mes actions pour prêter à la poésie ou à l’intérêt, et j’aurais eu beau chercher à embellir ma personne et à dramatiser ma vie, je n’en serais pas venue à bout. Mon moi, me revenant face à face, m’eût toujours refroidie.

Je suis loin de dire qu’un artiste n’ait pas le droit de se peindre et de se raconter, et plus il se couronnera des fleurs de la poésie pour se montrer au public, mieux il fera s’il a assez d’habileté pour qu’on ne le reconnaisse pas trop sous cette parure, ou s’il est assez beau pour qu’elle ne le rende pas ridicule. Mais, en ce qui me concerne, j’étais d’une étoffe trop bigarrée