Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 10a13 1855 Gerhard.djvu/185

Cette page n’a pas encore été corrigée

école, ceux qu’il n’eût jamais acceptés pour disciples, et qui le sentaient bien, voulaient l’enfoncer en le dépassant. On cherchait des titres impossibles, des sujets dégoûtans, et, dans cette course au clocher d’affiches ébouriffantes, des gens de talent eux-mêmes subissaient la mode, et, couverts d’oripeaux bizarres, se précipitaient dans la mêlée.

J’étais bien tentée de faire comme les autres écoliers, puisque les maîtres donnaient le mauvais exemple, et je cherchais des bizarreries que je n’eusse jamais pu exécuter. Parmi les critiques du moment qui résistaient à ce cataclysme, Delatouche avait du discernement et du goût, en ce qu’il faisait la part du beau et du bon dans les deux écoles. Il me retenait sur cette pente glissante par des moqueries comiques et des avis sérieux. Mais il me jetait tout aussitôt dans des difficultés inextricables.

« Fuyez le pastiche, disait-il. Servez-vous de votre propre fonds ; lisez dans votre vie, dans votre cœur ; rendez vos impressions. »

Et quand nous avions causé n’importe de quoi, il me disait :

« Vous êtes trop absolue dans votre sentiment, votre caractère est trop à part : vous ne connaissez ni le monde, ni les individus. Vous n’avez pas vécu et pensé comme tout le monde. Vous êtes un cerveau creux. »

Je me disais qu’il avait raison, et je retournais à Nohant, décidée à faire des boîtes à thé et des tabatières de Spa.