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jamais rien à lire ; ou c’étaient quelques pages qui ne rendaient pas son projet et qui l’attristaient visiblement. Il n’avait pas de facilité ; aussi avait-il la fécondité en horreur, et trouvait-il contre celle de Balzac, sans songer à celle de Walter Scott, qu’il adorait, les invectives les plus bouffonnes et les comparaisons les plus médicinales.

J’ai toujours pensé que Delatouche dépensait trop de véritable talent en paroles. Balzac ne dépensait que de la folie. Il jetait là son trop plein et gardait sa sagesse profonde pour son œuvre. Delatouche s’épuisait en démonstrations excellentes, et, quoique riche, ne l’était pas assez pour se montrer si généreux.

Et puis sa fatale santé paralysait son essor au moment où il déployait ses ailes. Il a fait de beaux vers, faciles et pleins, mêlés à des vers tiraillés et un peu vides ; des romans très remarquables, très originaux, et des romans très faibles et très lâchés ; des articles très mordans, très ingénieux, et d’autres si personnels qu’ils étaient incompréhensibles et, partant, sans intérêt pour le public. Ce haut et ce bas d’une intelligence d’élite s’expliquent par le cruel va-et-vient de la maladie.

Delatouche avait aussi le malheur de s’occuper trop de ce que faisaient les autres. À cette époque, il lisait tout. Il recevait, comme journaliste, tout ce qui paraissait, feignait de n’y pas