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Mais pour ne point m’arrêter à chaque pas dans ma narration, je dirai simplement ici quels rapports s’étaient établis entre nous lorsque je publiai Indiana et Valentine.

Mon bon vieux ami Duris-Dufresne à qui, des premiers, j’avais confié mon projet d’écrire, avait voulu me mettre en relations avec Lafayette, assurant qu’il me prendrait en amitié, que je lui serais très sympathique et qu’il me lancerait avec sollicitude dans le monde des arts, où il avait de nombreuses relations. Je me refusai à cette entrevue, bien que j’eusse aussi beaucoup de sympathie pour Lafayette, que j’allais quelquefois écouter à la tribune, conduite par mon papa (c’est ainsi que les huissiers de la chambre appelaient mon vieux député quand nous nous cherchions dans les couloirs après la séance) ; mais je me trouvais si peu de chose que je ne pus prendre sur moi d’aller occuper de ma mince personnalité le patriarche du libéralisme.

Et puis, si j’avais besoin d’un patron littéraire, c’était bien plus comme conseil que comme appui. Je désirais savoir, avant tout, si j’avais quelque talent, et je craignais de prendre un goût pour une faculté. M. Duris-Dufresne, à qui j’avais lu, bien en secret, quelques pages, à Nohant, sur l’émigration des nobles en 89, me tenait naïvement pour un grand esprit ; mais je me défiais beaucoup de sa partialité et de sa galanterie. D’ailleurs il ne s’intéressait qu’aux choses politiques,