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titre de maîtres. Jules Janin venait de faire alors un petit volume sur cet artiste, un opuscule spirituel, mais qui ne m’avait rien fait pressentir du talent de Debureau. Je lui demandai s’il était satisfait de cette appréciation.

« J’en suis reconnaissant, me dit-il. L’intention en est bonne pour moi et l’effet profite à ma réputation : mais tout cela ce n’est pas l’art, ce n’est pas l’idée que j’en ai ; ce n’est pas sérieux, et le Debureau de M. Janin n’est pas moi. Il ne m’a pas compris. »

J’ai revu Debureau plusieurs fois depuis et me suis toujours senti pour le paillasse des boulevards une grande déférence et comme un respect dû à l’homme de conviction et d’étude.

J’assistais, douze ou quinze ans plus tard, à une représentation à son bénéfice, à la fin de laquelle il tomba à faux dans une trappe. J’envoyai savoir de ses nouvelles le lendemain, et il m’écrivit pour me dire lui-même que ce n’était rien, une lettre charmante qui finissait ainsi :

« Pardonnez-moi de ne pas savoir mieux vous remercier. Ma plume est comme la voix du personnage muet que je représente ; mais mon cœur est comme mon visage qui exprime la vérité. »

Peu de jours après, cet excellent homme, cet artiste de premier ordre, était mort des suites de sa chute.

Après le couvent, j’avais encore quelque chose à briser, non dans mon cœur, mais dans ma vie. J’allai voir mes amies Jane et Aimée. Aimée