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ni comme à Nohant :

« Voilà not’dame qui poste sur son grand chevau, faut qu’elle soit dérangée d’esprit pour poster comme ça. »

À Paris, on ne pensait rien de moi, on ne me voyait pas. Je n’avais aucun besoin de me presser pour éviter des paroles banales ; je pouvais faire tout un roman, d’une barrière à l’autre, sans rencontrer personne qui me dit :

« À quoi diable pensez-vous ? »

Cela valait mieux qu’une cellule, et j’aurais pu dire avec René, mais avec autant de satisfaction qu’il l’avait dit avec tristesse

« que je promenais dans le désert des hommes. »

Après que j’eus bien regardé et comme qui dirait remâché et savouré une dernière fois tous les coins et recoins de mon couvent et de mes souvenirs chéris, je sortis en me disant que je ne repasserais plus cette grille derrière laquelle je laissais mes plus saintes tendresses à l’état de divinités sans courroux et d’astres sans nuages ; une seconde visite eût amené des questions sur mon intérieur, sur mes projets, sur mes dispositions religieuses. Je ne voulais pas discuter. Il est des êtres qu’on respecte trop pour les contredire et de qui l’on ne veut emporter qu’une tranquille bénédiction.

Je remis mes chères bottes en rentrant et j’allai voir Debureau dans la pantomime : un idéal de distinction exquise servi deux fois par jour aux titis de la ville et de la banlieue, et cet idéal les passionnait. Gustave Papet, qui était