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La peine est une loi naturelle à laquelle nul de nous ne peut se soustraire sans tomber dans le mal. Dans les conjectures et les aspirations socialistes de ces derniers temps, certains esprits ont trop cru résoudre le problème du travail en rêvant un système de machines qui supprimerait entièrement l’effort et la lassitude physiques. Si cela se réalisait, l’abus de la vie intellectuelle serait aussi déplorable que l’est aujourd’hui le défaut d’équilibre entre ces deux modes d’existence. Chercher cet équilibre, voilà le problème à résoudre ; faire que l’homme de peine ait la somme suffisante de loisir, et que l’homme de loisir ait la somme suffisante de peine, la vie physique et morale de tous les hommes l’exige absolument ; et si l’on n’y peut pas arriver, n’espérons pas nous arrêter sur cette pente de décadence qui nous entraîne vers la fin de tout bonheur, de toute dignité, de toute sagesse, de toute santé du corps, de toute lucidité de l’esprit. Nous y courons vite, il ne faut pas se le dissimuler.

La cause n’est pas autre, selon moi, que celle-ci : une portion de l’humanité a l’esprit trop libre, l’autre l’a trop enchaîné. Vous chercherez en vain des formes politiques et sociales, il vous faut, avant tout, des hommes nouveaux. Cette génération-ci est malade jusqu’à la moelle des os. Après un essai de république où le but véritable, au point de départ, était de chercher à rétablir, autant que possible, l’égalité dans les