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plus désintéressée, elle partage toutes les peines et non tous les plaisirs. Elle a moins de racines dans la réalité, dans les intérêts, dans les enivremens de la vie. Aussi est-elle plus rare, même à un état très imparfait, que l’amour à quelque état qu’on le prenne. Elle paraît cependant bien répandue, et le nom d’ami est devenu si commun qu’on peut dire mes amis en parlant de deux cents personnes. Ce n’est pas une profanation, en ce sens qu’on peut et doit aimer, même particulièrement, tous ceux que l’on connaît bons et estimables. Oui croyez-moi, le cœur est assez large pour loger beaucoup d’affections, et plus vous en donnerez de sincères et de dévouées, plus vous le sentirez grandir en force et en chaleur. Sa nature est divine, et plus vous le sentez parfois affaissé et comme mort sous le poids des déceptions, plus l’accablement de sa souffrance atteste sa vie immortelle. N’ayez donc pas peur de ressentir pleinement les élans de la bienveillance et de la sympathie, et de subir les émotions douces ou pénibles des nombreuses sollicitudes qui réclament les esprits généreux ; mais n’en vouez pas moins un culte à l’amitié particulière, et ne vous croyez pas dispensé d’avoir un ami, un ami parfait, c’est à dire une personne que vous aimiez assez pour vouloir être parfait vous-même envers elle, une personne qui vous soit sacrée et pour qui vous soyez également sacré. Le grand but que nous devons tous poursuivre,