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L’hiver fut long et rude, une neige épaisse couvrit longtemps la terre durcie d’avance par de fortes gelées. Mon mari aimait aussi la campagne, bien que ce fût autrement que moi, et, passionné pour la chasse, il me laissait de longs loisirs que je remplissais par le travail de la layette. Je n’avais jamais cousu de ma vie. Tout en disant que cela était nécessaire à savoir, ma grand’mère ne m’y avait jamais poussée, et je m’y croyais d’une maladresse extrême. Mais quand cela eut pour but d’habiller le petit être que je voyais dans tous mes songes, je m’y jetai avec une sorte de passion. Ma bonne Ursule vint me donner les premières notions du surjet et du rabattu. Je fus bien étonnée de voir combien cela était facile ; mais en même temps je compris que là, comme dans tout, il pouvait y avoir l’invention, et la maëstria du coup de ciseaux.

Depuis j’ai toujours aimé le travail de l’aiguille, et c’est pour moi une récréation où je me passionne quelquefois jusqu’à la fièvre. J’essayai même de broder les petits bonnets, mais je dus me borner à deux ou trois : j’y aurais perdu la vue. J’avais la vue longue, excellente, mais c’est ce qu’on appelle chez nous une vue grosse. Je ne