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petit portrait dans le café du quai Saint-Michel, dans la maison même, mais la pratique n’arrivait pas. J’avais raté la ressemblance de ma portière : cela risquait de me faire bien du tort dans le quartier.

J’aurais voulu lire, je n’avais pas de livres de fonds. Et puis c’était l’hiver, il n’est pas économique de garder la chambre quand on doit compter les bûches. J’essayai de m’installer à la bibliothèque Mazarine ; mais il eût mieux valu, je crois, aller travailler sur les tours de Notre-Dame, tant il y faisait froid. Je ne pus y tenir, moi qui suis l’être le plus frileux que j’aie jamais connu. Il y avait là de vieux piocheurs qui s’installaient à une table, immobiles, satisfaits, momifiés, et ne paraissant pas s’apercevoir que leurs nez bleus se cristallisaient. J’enviais cet état de pétrification : je les regardais s’asseoir et se lever comme poussés par un ressort, pour bien m’assurer qu’ils étaient en bois.

Et puis encore j’étais avide de me déprovincialiser et de me mettre au courant des choses, au niveau des idées et des formes de mon temps. J’en sentais la nécessité, j’en avais la curiosité ; excepté les œuvres les plus saillantes, je ne connaissais rien des arts modernes ; j’avais surtout soif du théâtre.

Je savais bien qu’il était impossible à une femme pauvre de se passer ces fantaisies. Balzac disait :

« On ne peut pas être femme à Paris à