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aujourd’hui certaine de n’avoir jamais agi, après réflexion, qu’avec la conviction d’accomplir un devoir ou d’user d’un droit légitime, ce qui est au fond la même chose.

J’ai reçu dernièrement un petit volume récemment publié[1], de fragmens inédits de Jean-Jacques Rousseau, et j’ai été vivement frappée de ce passage qui faisait partie d’un projet de préface ou introduction aux Confessions :

« Les liaisons que j’ai eues avec plusieurs personnes me forcent d’en parler aussi librement que de moi. Je ne puis me bien faire connaître que je ne les fasse connaître aussi ; et l’on ne doit pas s’attendre que, dissimulant dans cette occasion ce qui ne peut être tu sans nuire aux vérités que je dois dire, j’aurai pour d’autres des ménagemens que je n’ai pas pour moi-même. »

Je ne sais pas si, lors même qu’on est Jean-Jacques Rousseau, on a le droit de traduire ainsi ses contemporains devant ses contemporains pour une cause toute personnelle. Il y a là quelque chose qui révolte la conscience publique. On aimerait que Rousseau se fût laissé accuser de légèreté et d’ingratitude envers Mme de Warens, plutôt que d’apprendre par lui des détails qui souillent l’image de sa bienfaitrice. On eût pu pressentir qu’il y eût des motifs à son inconstance,

  1. Par M. Alfred de Bougy.