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HISTOIRE DE MA VIE

sacrer, par notre exemple, le principe de la mendicité que nous repoussons à Tétat de théorie sociale.

Quelques socialistes abordent plus franchement la question, et j’en sais qui m’ont dit : « Ne faites pas Taumône. En donnant à ceux qui demandent, vous consacrez le principe de leur servitude. »

Eh bien, ceux-là mêmes qui me parlaient ainsi dans des moments de conviction passionnée faisaient Taumône le moment d’après, incapables de résister à la pitié qui commande aux entrailles et qui échappe au raisonnement ; et comme, en faisant l’aumône, on est encore plus humain et plus utile qu’en se réduisant soi-même à la nécessité de la recevoir, je crois qu’ils avaient raison d’enfreindre leur propre logique et de se résigner, comme moi, à n’être pas d’accord avec eux-mêmes.

La vérité n’en reste pas moins une chose absolue, en ce sens qu’on ne peut ni ne doit admettre la justice des lois qui régissent aujourd’hui la propriété. Je ne crois pas qu’elles puissent être anéanties d’une manière durable et utile, par un bouleversement subit et violent. Il est assez déuiontré que le partage des biens constituerait un état de lutte effroyable et sans issue, si ce n’est l’établissement d’une nouvelle caste de gros propriétaires dévorant les petits, ou une stagnation d’égoïsmes complètement barbares.

Ma raison ne peut admettre autre chose qu’une série de modifications successives amenant les hommes, sans contrainte et par la démonstration de leurs propres intérêts, à une solidarité générale dont la forme absolue est encore impossible à définir. Durant le cours de ces transformations progressives, il y aura encore bien des contradictions entre le but à poursuivre et les nécessités du moment. Toutes les écoles socialistes de ces derniers temps ont entrevu la vérité et l’ont même saisie par quelque point essentiel ; mais aucune n*a pu tracer bien sagement le code