82 HISTOIRE DE MA VIR
LETTRE PREMIÈRE
DE MAURICE A SA MÈRE A NGHATÎT
Paris, IG messidor an XII.
J'ai reçu ton aimable leltro pour Lncuée. Je la lui ai portée moi-même. 11 élait à Saiiit-Cloucl. J'y suis retourné hier, et je l'ai vu. Ma demande est au bureau de la guerre et doit être mise sous les yeux de l'empe- reur la semaine prochaine. Je suis porté sur le tableau d'avancement. D'un autre côLé, notre famille fait son chemin : M. de Ségur vient d'être nommé grand digni- taire de l'Empire et grand maître des cérémonies, avec 100,000 francs d'appointements, plus 40,000 comme conseiller d'État. René entre en fonctions avec une grande clef d'or brodée au derrière. Le prince va avoir une garde. AjoUine m'y promet une compagnie. Le prince sera grand connétable. Je me Irollc les yeux pour savoir si je ne fais pas un rêve absurde, mais j'ai beau les refermer l'ambition ne vient pas, et j:3 me sens tou- jours parlagé entre celle d'aller me battre ou ctlle d'aller vivre près de toi. Je n'en puis avoir de plus brillante, et celle des autres me fait toujours un drôle d'effet. Je me rc'ijouis pourtant du bonheur de ceux que j'aime, parce que je ne suis pas né jaloux. Mais mon bonheur ne sei'ait pas fait comme cela. Je voudrais de raclivilc, de l'honneur, ou bien nnn pelito aisance et le bonheur doniesliiiue. Si j'étais cap:.dine, tu pourrais venir ici, j'aurais bien (te quoi avoir un cabriolet bien suspendu pour te promener, je te soi- gnerais, je te ferais oublier toutes nos triNtesses. Descliarlres n'étant pas là, nous serions encore heureux comme autre-
