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80 HISTOIRE DE MA VIE

Il a duré, mais en se mudidant d'une manière essentielle. Le divorce a été permis, puis aboli, et à présent on parle de le rétablir ^. Jamais mciient n'a é!é plus mal choisi pour soulever une aussi grave question, et bien que j'aie des idées arrêtées à cet égard, si j'étais de l'Assemblée, je demanderais l'ordre du jour. On ne peut pas régler le sort et la religion de la famille dans un moment où la société est dans le désordre moral, pour ne pas dire dans l'anar- chie. Aussi, lorsqu'il sera question de discuter cela, l'idée religieuse et l'idée civile vont se trouver encore une fois aux prises, au lieu de chercher cet accord sans lequel la loi n'a point de sens et n'atteint pas son but. Que le di- ^'orce soit rejeté, ce sera la consécration d'un état de choses contraire à la morale publique. Qu'il soit adopté, il )e sera de telle manière et dans de telles circonstances qu'il ne servira point la morale et ajoutera à la dissolution du pacte religieux de la famille. Je dirai mon opinion quand il faudra, et je reviens à mon récit.

Mon père avait vingt-six ans, ma mère en avait trente lorsque je vins au monde. Ma mère n'avait jamais lu Jean- Jacques-Rousseau et n'en avait peut-être pas beaucoup en- tendu parler, ce qui ne l'empêcha pas d'être ma nourrice, comme elle l'avait été et comme elle le fut de tous ses autres enfants. Mais, pour mettre de l'ordre dans le cours de ma propre histoire, il faut que je continue à suivre celle de mon père, dont les lettres me servent de jalons, car on peut bien imaginer que mes propres souvenirs ne datent pas encore de l'an XII.

Il passa une quinzaine à Nohant après son mariage, ainsi que je l'ai dit au précédent chapitre, et ne trouva aucun moyen d'en faire l'aveu à sa mère. Il revint à Paris

1. J'écris ceci le 2 juin 18'i8. J'ignore quelle sera la solution du projet présenté à l'Assemblée nationale par le r~'nistre Cré- micux.