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HISTOIIIE DE MA VIE 79

vienne dans une consécration comme celle du niiiriase, mon père avait le plus grand désir de faire consacrer le sien. Jusque-là, il tremblait que Sophie, ne se regardant pas comme engagée par sa consciLMice, n'en vînt à tout remellre en question. Il no doutait point d'elle, il n'en pouvait pas douter sous le rapport de l'attachement et do la fidélité. Mais elle avait des accès de fierté terrible quand il lui laissait entrevoir l'opposition de sa mère. Elle ne parlait de rien moins que d'aller au loin vivre de son tra- vail avec ses enfants, et do montrer par là qu'elle ne vou- lait recevoir ni aumône ni pardon de cette orgueilleuse rjrandc damc^ dont elle se faisait une bien fausse et bien terrible idée.

Lorsque Maurice voulait lui persuader que le mariage coatrac'é était indissahible, et que sa mèrj viendrait à y souscrire tôt ou tard : « Eh non, disait-elle, votre mariage civil ne prouve rien, puisqu'il permet le divorce. L'Église ne le permet pas. Nous ne sonnnes donc pas marié?, et ta mère n'a rien à me reprocher. Il me suffit qu3 notre fille (j'étais née alors) ait un sort assure. Mais quant à moi, je ne te demande rien, et je n'ai à rougir devant personne. »

Ce raisonnement plein de force et do simplicité, la so- ciété ne le ratitiiit pas. il est vrai. Elle le ratifierait encore moins aujourd'hui qu'elle s'est assise définitivement sur une base civile. Mais à l'époque où ces choses se passaient, on avait déjà vu tant d'ébranlements et de prodiges qu'on ne savait pas bien sur quel terrain l'on marchait. Ma mère avait les idées du peuple sur tout cela. Elle ne jugeait ni les causes ni les cfiets de ces nouvelles bases de la société révolutionnaire. « Cela changera encore, disait-elle, j'ai vu le temps oh il n'y avait pas d'autre mariage que le mariage religieux. Tout à coup on a prétendu que celui-là ne va- lait rien et ne compterait plus. On eu a inver.lé un autre qui ne durera pas et qui ne peut pas compter. »