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HISTOIRE DE iMA VIE 71

fidélité qu'il s'était créé. Combien il dut souffrir le jour où, snns rien avouer à ses parenls, à ses meilleurs amis, il conféra le nom de sa mère à une femme digne par son amour de le porter, mais que sa mère devait si diffici- lement s'habituer à lui voir partager! Il le fit pourtant, il fut triste, il fut épouvanté, et il n'hésita pas. Au dernier moment, Sophie Delaborde, vêtue d'une petite robe de ba- sin et n'ayant au doigt qu'un mince filet d'or, car leurs finances ne leur permirent d'acheter un véritable anneau de six francs qu'au bout de quelques jours, Soptiie, heu- reuse et tremblante, intéressante dans sa grossesse, et in- souciante de son propre avenir, lui offrit de renoncer à cette consécration du mariage qui ne devait rien ajouter, rien changer, disait-elle, à leur amour. Il insista avec force, et quand il fut revenu avec elle de la mairie, il mit sa tête dans ses mains et donna une heure à la douleur d'avoir désobéi à la meilleure des mères. Il essaya de lui écrire, il ne put lui envoyer que les dix lignes qui précèdent et qui, malgré ses efforts, trahissent son effroi et ses remords. Puis il envoya sa lettre, demanda pardon à sa femme de ce momiint donné à la nature, prit dans ses bras ma sœur Caroline, l'enfant d'une autre union, jura de l'aimer au- tant que celui qui allait naître, et prépara son départ pour Nohant, oùil vr.ulait aller passer huit jours avec l'espérance de pouvoir tout avouer et tout faire accepter.

Mais ce fut une vaine espérance. Il parla d'abord de la grossesse de Srtphie, et tout en caressant mon frère Hip- polyte, l'enfant de la petite maison^ il fit allusion k la dou- leur qu'il avait éprouvée en apprenant l;i naissance de cet enfant, dont la mère lui était devenue forcément étrangère. Il parla du devoir que l'amour exclusif d'une femme im- pose à un honnête homme, et de la honte qu'il y aurait à abandonner une telle femme après des preuves d'un im- mense dévouement de sa part. Dès les premiers mots, ma