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68 HISTOIRE DE MA VIE

procuré l'agrément de faire à peu près vingt lieues au ga- lop, en la parcourant de la droite à la gauche une qua- rantaine de fois. Puis nous avons fait durant quatre jours des courses énormes à l'effet de nous entendre sur la ré- daction de l'adresse que nous sommes forcés de présenter au premier consul, à l'effet de le supplier d'accepter la couronne impériale et le trône des césars. Quelle solennelle folie! Nous avons couru ensuite pour la faire signer aux différents corps. Cela ne fâche personne, mais fait sourire tout le monde; il était trop grand pour s'exposer à ces sourires !

Nous sommes ici dans une immobilité complète. Les Anglais paraissent aussi ennuyés de nous voir que nous le sommes de leur faire face. Ils ne s'approchent plus que sur des cutters et des bricks, et leur flotte reste sur les côtes. Hier il faisait extrêmement clair, et à l'aide de la lunette j'ai compté cent douze bâtiments du côté de Dou- vres et en face du comté de Kent. Us paraissent embossés. Explique à Deschartres que cela signilie qu'ils sont mouillés à l'ancre, en vue de la côte ; car, puisque j'ai entrepris de l'instruire, je n'en dois pas perdre une seule occasion. Comment ! lui qui est homme à projets, n'a-t-il pas essayé de persuader à la sous-préfecture dont il est le génie et l'organe qu'on pouvait rendre l'Indre navigable, et comme elle se jette dans la Loire, qui à son tour se jette dans la mer, profiter de ce débouché pour faire arriver dans nos ports les bois de Sainte-Sévère, de Saint-Ciiartier, de Culan, du Magnior, etc.'.' Exploités et travaillés de manière à les mettre rapidement sur le chantier, ils nous donneraient de prompts et sûrs moyens d'abaisser l'orgueil de la nou velle Carthage. Évidemment notre jeune empereur n'attend que cela pour entamer l'expédition, et l'insouciant Des- chartres lui refuse son concours?

Adieu, ma bonne mère, je t'embrasse de toute n^pn âirie;