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64 HISTOIRE DE MA VIE

LETTRE V

Ostrohow, 25 ventôse an XII (mars 1804).

. . . . Nous avons eu ici ces jours derniers une bril- lante fête donnée par tous les généraux du camp de Saint Orner à madame Soult et au général en chef, son époux. C'était le général Bertrand, comme chef du génie, qui était le décorateur. Le général Bisson, qui boit quinze bouteilles de vin sans se griser et qui a six pieds de haut sur r.eiii de circonférence, était chargé des bufiets et du souper (ce qui ne l'empêche pas d'être un fier soldat. 11 était au Min- cio)*. Moi je fus nommé chef d'orchestre et directeur de toute la musique. J'ai formé l'orchestre, qui n'allait point du tout au commencement et qui s'est trouvé, le jour du bal, digne de Julien. J'ai composé des contredanses, etc., etc. Enfin je me suis donné bien de la peine pour des buses et des oisons, mais ma musique allait bien, mes musiciens se surpassaient, et je me moquais du reste. 11 y

1. Bisson, enfant de troupe, se distingua de bonne heure par une bravoure héroïque. Chargé de la défense du Catelet sur la Sambre avec soixante grenadiers et cinquante dragons, attaqué par six mille hommes et sept pièces de canon, il plaça ses gre- nadiers en tirailleurs devant deux gués principaux en avant du pont de la ville, qu'il avait fait couper, et ses dragons en trois pelotons sur la rive droite. L'ennemi, voyant ces tirailleurs, crut que la place contenait un corps considérable oL l'attaqua en règle. Bisson y était pourtant seul avec deux tambours qui battaient sur dilTérents points pour entretenir l'erreur de l'ennemi. Cette combinaison donna le temps au général Legrand d'arriver avec une brigade et de conserver une position avantageuse.

A l'affaire de Missenheim, Bisson soutint avec quatre cent dix- sept hommes les efforts de trois mille hommes d'infanterie et de douze cents chevaux. Il se distingua à Marengo, etc., etc., et mou- rut à Mantoue, en 1811.