Page:Sand - Histoire de ma vie - tome 2.djvu/72

Cette page n’a pas encore été corrigée

6-2 HISTOIRE DE MA VIE

Je ne te parle pas de nos opérations militaires, parce qu'il est défendu par un ordre du général en chef de donner des nouvelles d'ici, non-seulement aux journalistes, mais encore à nos parents et amis. Je puis te dire pourtant, sans trahir aucun secret d'État, que nous n'avons pas achevé notre baraque. Mes deux camarades ont trouvé un grenier, et je me suis établi dans un pavillon de six pieds carrés, situé au bout du jardin. J'y ai fait porter un poêle et j'y suis fort bien. Je découvre la mer en plein, car c'est on belvédère; mais je cours un peu le risque d'être em- porté par les vents. Il passe en ce moment même un ouragan si terrible que le caisson qui était dans notre cour vient d'être renversé.

Adieu, ma mère chérie, garde la plume avec laquelle tu m'as écrit ta dernière letfre, et n'en prends jamais d'autre pour écrire à ton fils, qui t'aime autant que tu es bonne, et qui t'embrasse aussi tendrement qu'il t'aime.

Je voudrais bien tenir ici Caton Deschartres pour voir la jolie grimace qu'il ferait avec le tangage et le roulis de grosse mer.

LETTRE IV

Quartier général à Ostrohow, 30 pluviôse an XII.

Le général de division Duponi, commandant la première

division du camp de Montreitil^ m'a tellement fait courir

avec lui tous ces jours-ci, soit sur la côte, soit sur la mer, que je n'ai pu trouver un moment pour l'écrire. Avant- hier, au moment où je commençais une lettre pour toi, une douzaine de coups de canon est venue me déranger.

1. C'est une têle de lellre imprimée.