Page:Sand - Histoire de ma vie - tome 2.djvu/68

Cette page n’a pas encore été corrigée

58 HISTOIRE DE MA VIE

Je voudrais bien tenir M. le maire Descharlres dans notre camp. Je le ferais piocher de la belle manière et nous verrions quelle figure il ferait au bivouac avec son bonnet de coton, sa coiffe de nuit et sa rosette!

LETTRE II

15 nivôse an XII (janvier 1804).

.... Plus la division s'augmente et moins nous avons de place. Nous allons, Morin, de Couchy et moi, partager stoïquement le sort de nos pauvres soldats, car les deux mauvais galetas que nous occupions viennent d'être pris p:ir un général de brigade de la division. Pour n'être pas au bivouac dans l'eau, nous allons nous construire une baraque. Quant à noire situation politique, elle n'est pas plus gaie ; on prétend que nous n'agirons que dans deux ou trois ans. Ceci se dit à l'oreille, et pourtant nos soldats lo redisent tout haut. Les Anglais viennent tous les jours nous donner la comédie, avec leurs bricks, leurs cutters et leurs frégates. Nous leur envoyons, de la côte, force bombes et boulets qui vont se perJre dans les eaux. Us nous répondent de h mOmc façon, et c'est absolument; un jt.'u de paume. La lunette de Dollon m'est très-utile pour juger des coups. De temps en temps nous nous exerçons dans la rade à manier l'aviron, sur nos péniches et nos caïques. Les Anglais nous galopent, nous nous retirons sous nos batteries, qui les saluent alors à grand bruit. La mer ne me fait pas le moindre mal, et j'en reviens tou- jours conforme aux élatx de dépenses et aux projets sur le pa- pier qui servent de matériaux à Ihistoire oflicielle. Ce serait le cas de retourner ainsi le proverbe : Les soldats meurent, les écrils restent.