Page:Sand - Histoire de ma vie - tome 2.djvu/63

Cette page n’a pas encore été corrigée

HISTOIRE DE MA VIE 53

mier consul. Ainsi, quand, cet hiver, il lui a demandé pour . moi une lieutenance dans sa garde et qu'il m'a proposé comme petit-fils du maréchal de Saxe, Euonaparte lui a répondu: Point, point, il ne me faut pas de ces gens-là. A présent il paraît que ce titre me servirait au lieu de me nuire, parce que le premier consul a déjà changé de ma- nière de voir. Peut-être que dans quelque temps ce sera autre chose. Ainsi, tu vois ce que c'est, ma bonne mère, qus de dépendre de la politique ou du caprice d'un seul homme. C'est comme autrefois. Les services et le mérite ne comptent pas. On s'occupe du nom que vous portez, et rien de plus. Ainsi, Caulaincourt, sans le savoir et sans le vouloir, m'a nui en me signalant comme le petit- fils du maréchal. Buonaparte s'est trouvé républicain ce jour- li. Mais comme il ne le sera plus demain probablement, toutes ces demandes me fatiguent et me dégoûtent beau- coup. On n'est qu'un mince militaire, mais on a le sen- timent de sa propre dignité tout comme un chef d'État.

En outre , il nous a fait à Sedan une étrange avanie. Figure-toi qu'après nous avoir fait manœuvrer pendant quatre heures , suer sang et eau à porter des ordres , au moment de défiler, Dupont se mit l'épée à la main à la tête de la manœuvre. L'ordonnance indique notre place à côté du général lorsqu'on défile : eh bien ! Dupont nous donna l'ordre de nous retirer, nous assurant que c'était par celui du premier consul, de sorte que nous décampâmes au moment de paraître en corps devant lui. Il est impos- sible de nous dire plus clairement que nous sommes con- sidérés comme ne faisant point partie de l'armée, et il vau- drait mieux être tambour ou conscrit qu'aide de camp, puisqu'un aide de camp est réputé apparemment valet de pied du général. Tu conçois que j'ai de ce métier par- dessus les yeux, et j'ai quitté Dupont sans tambour ni Lrompette, approuvé de tous mes camarades, qui avaient