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46 HISTOIRE DE MA VIE

Auguste, ni moi, ne fûmes priés. Vers le milieu du repas, la princesse Olgorouky reçut un billet de madame de Montesson, qui l'invitait à venir chez elle le soir même parce qu'elle avait un concert : Paësiello, et mademoiselle Duchesnois qui déclamerait. Aussitôt les morceaux trop hâtés se pressent dans la bouche de la princesse. Elle demande ses chevaux et part. Arrivée chez elle, elle se couvre de diamants, et arrive tout essoufflée chez madame de Montesson à neuf heures du soir. D'abord le portier ne veut pas la laisser monter. Elle se dit invitée, se nomme, monte et trouve madame de Montesson entre deux bougies, devant sa cheminée et prête à se coucher. Grand étoniie- ment, explication de part et d'autre. C'était un poisson d'avril envoyé par quelques polissons qui n'étaient pas de la société, et je rougis d'avouer que je connais beaucoup ces misérables.

Le lendemain, jour de la grande parade, Auguste et René reçurent un avis qu'ils prirent pour une attrape du même genre, mais qui ne se termina pas d'une manière aussi comique. On vint leur dire que M. de Yilleleroux, descendant le grand escalier des Tuileries, s'était laissé tomber au milieu do tous ses collègues et s'était blessé. Ils y coururent en riant, pensant à un poisson d'avril, mais ils le trouvèrent mort dans la salle des Ambassa- deurs, entre les mains du conseiller d'État Fourcroy, qui, pour ne pas manquer l'occasion d'une expérience, s'était mis en devoir de le galvaniser, ce qui n'aboutit qu'à lui faire faire d'eflroyablos grimaces. 11 avait été frappé d'apo- plexie foudroyante. 11 a été enterré hier à Saint-Roch avec toute la pompe sénatoriale. Quant à la veuve, elle jeta les hauts cris le premier jour, le lendemain elle s'occupa beaucoup de sa robe et de sa chatte qui faisait des petits. Lcjour de l'enterrement, elle était toute consolée et riait de la figure des passants qu'elle voyait par sa fenêtre. Ce qu'on