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HISTOIRE DE MA VIE 45 seur dans un lycée; je ferai présenter sa note à Buona- parte par Dupont. Réussirai-je ? Je me ferais volontiers intrigant pour l'amour de ce digne homme, mais l'esprit du gouvernement est de ne donner qu'à ceux qui ont déjà, et c'est assez l'histoire de tous les grands pouvoirs

Le vendredi saint.

René a donné ces jours-ci un très-beau déjeuner où étaient Eugène Beauharnais, Adrien de Mun, milord Stuart, madame Louis Bonaparte, la princesse Olgorouky, la duchesse de Gordon, madame d'Andlaw et lady Georgina, nièce de la duchesse de Gordon. Cela se faisait à l'inten- tion d'Eugène, qui est amoureux et aimé de lady Geor- gina, laquelle passe dans le grand monde pour un astre de beauté. Il ne lui manque pour niériter sa réputation que d'avoir une bouche et des dents. Mais sur cet article Eugène et elle n'ont rien à se reprocher. La duchesse ne demanderait pas mieux que de la lui faire épouser, mais le cher beau-père Buonaparte n'entend point de cette oreille-là. La tante va partir pour l'Angleterre et les amants se désolent. Voilà comment la grandeur rend les gens heureux. En sortant de table, nous allâmes nous prome- ner au Jardin des plantes, les uns en voiture et en boghei, les autres dans la calè<;he à quatre chevaux de la duchesse. Nous vîmes tout dans le plus grand détail. Eugène distri- buait des louis à lort et à travers, comme un autre eût donné douze sous. Il nous faisait les honneurs, et c'est tout au plus s'il ne disait pas, au lieu du jardin du roi^ le jardin de mon père.

A la suite de la promenade, la duchesse de Gordon donna à la Râpée un dîner dont ni Eugène, ni René, ni

IL ».