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HISTOIRE DE MA VIE 473

Mon cou>in René de Villeneuve vint nous voir à l'au- tomne. 11 était parfaitement aimable, enjoué, sachant occuper agréablement les loisirs de la campagne, et pas du tout royaliste, quoiqu'il sût ménager les apparences. Ma grand'roère lui parla de l'avenir de mon frère qui s'en allait avoir seize ans et qui ne tenait plus dans sa peau, tant il avait envie de quitter Deschartres et de commencer la vie, n'importe par quel bout. On lui avait enseigné les mathématiques avec Pidée de le mettre dans la marine; mais M. de Villeneuve, qui venait de marier sa fille avec le comte de la Roche-Aymon, et qui voyait dans cette nou- velle alliance beaucoup de nouvelles portes ouvertes pour une certaine influence, engagea ma grand'mère à le faire entrer dans uh régiment de cavalerie, où il espérait lui assurer des protections et de l'avancement. 11 promit de s'en occuper aussitôt, et mon frère bondit de joie à l'idée d'avoir un cheval et des bottes tous les jours de sa vie.

Après M. de Villeneuve, nous vîmes arriver madame de la Marlière, qui était devenue dévote tout d'un coup et qui allait à la messe et à vêpres le dimanche. Cela m'étonna grandement. Enfin vint la bonne madame de Pardaillan, et puis, tout ce monde parti, ma mère partit à son tour. Quelque temps après, Hippolyte fit ses paquets et alla re- joindre son régiment de hussards à Saint-Omer, si bien qu'au commencement de l'année 1816 je me trouvai absolument seule à Nohant avec ma grand'mère, Des- chartres, Julie et Rose.

Alors s'écoulèrent pour moi les deux plus longues, les deux plus rêveuses, les deux plus mélancoliques années qu'il y eût encore eu dans ma vie.

FIN DU DRUXIÈME VOM^ME

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