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de ma famille, de mes hôtes et de mes domestiques ; mais, voyez-vous, dans le temps où nous sommes et lorsqu'une partie de vos compagnons est forcée de fuir pour échapper peut-être à une sentence de mort, c'est jouer votre tête que de vous abandonner ainsi à votre désespoir.

— Vous me conseillez la prudence, chère madame, lui dit-il, mais ce n'est pas la prudence, c'est la témérité que vous devriez me conseiller. Vous croyez donc que je ne parle pas sérieusement, et que je veux accepter le licencie- ment honteux que les ennemis nous imj o^ent ! C'est un second Waterloo, moins l'honneur, auquel en nous pousse. Un peu d'audace nous sauverait 1

— La guerre civile ! s'écria ma grand'mère : vous vou- lez rallumer la guerre civile en France ! vous idolâtres de ce même Napoléon qui du moins n'a pas voulu imprimer cette tache à son nom et qui a sacrifié son orgueil devant l'horreur d'un pareil expédient ! sachez que je ne l'ai ja- mais aimé, mais que pourtant j'ai eu de l'admiration pour lui un jour en ma vie. C'est le jour oii il a 'abdiqué plutôt que d'armer les Français les uns contre les autres. Lui- même désavouerait aujourd'hui votre tentative. Soyez donc fidèles à son souvenir en suivant le noble exemple qu'il vous a donné. y>

Soit que ces raisons fissent impression sur l'esprit du général, soit que ses propres réflexions fussent conformes, quant au fond, à celles de ma grand'mère, il se calma, et plus tard il a repris du service sous les Bourbons. Mais pour tous ceux que la loyauté et la douleur avaient accom- pagnés comme lui derrière la Loire, il n'y a rien eu que de très-légitime à poursuivre leur carrière militaire, lorsqu'ils l'ont pu sans s'abaisser sous un autre régime.

On a vu dans ce que j'ai cité de l'histoire de M. de Vaulabelle que l'ordre du licenciement fut déguisé sous diverses ordonnances de dislocation partielle. Un soir, la