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HISTOIRE DE MA VIE 463

J'ai revu ce bon général Subcrvic pour la première fois depuis ce temps-là, en 1848, à l'hôlel de ville, quelques jours après la révolution et lorsqu'il venait d'accepter le portefeuille de la guerre. Il n'avait oublié aucune des circonstances de son passage à Nohant en 181S, et il me reprocha ma cocarde blanche, comme je lui reprochai de m'avoir tiré les oreilles.

Quelques jours plus tard, en 1815, je ne lui aurais certainement pas fait celte mauvaise plaisanterie, car mon court essai de royalisme fut abjuré dans mon cœur, et voici à quelle occasion.

On voyait au premier mot de ma grand'mère, et rien qu'à son grand air et à son costume suranné, qu'elle ap- partenait au parti royaliste. On supposait même chez elle plus d'attachement à ce parti qu'il n'en existait réellement au fond de sa pensée. Mais elle était fille du maréchal de Saxe, elle avait eu un brave fils au service, elle était pleine de grâces hospitalières et de délicates attentions pour ces brigands de la Loire en qui elle ne pouvait voir autre chose que de vaillants et généreux hommes, les frères d'armes de son fils (quelques-uns même l'avaient connu, et je crois que le général Colbert était du nombre); en outre, ma grand'mère inspirait le respect, et un respect tendre, à quiconque avait un bon sentiment dans l'âme. Ces officiers qu'elle recevait si bien s'abstonaienî. donc de dire devant elle un seul mot qui pût blesser les opinions qu'elle était censée avoir ; comme, de son côté, elle s'abs- enait de prononcer une parole, de rappeler un fait qui pût aigrir leur respectable infortune. Voilà pourquoi je vis ces officiers pendant plusieurs jours sans qu'aucune émotion nouvelle changeât la disposition de mon esprit; mais un jour que nous étions par exception en petit comité à dîner, Deschartres, qui ne savait pas retenir sa langue, excita un peu le général Colbert. Alphonse Colbert, descendant du