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nous retrouvâmes ensemble, elle me fit payer cher la bêtise de mon cœur. J'eus la fierté de ne pas la lui dire, et, comme de coutume, je subis en silence l'oppression et les outrages.

Un spectacle imposant et plein d'émotions vint m'arra- cher au sentiment de ma propre existence pendant une partie de l'été que ma mère passa avec moi en 1815. Ce fut le passage et le licenciement de l'armée de la Loire.

On sait qu'après s'être servi de Davoust pour tromper cette noble armée, après lui avoir promis amnistie com- plète, le roi publiait, le 24 juillet, une ordonnance qui traduisait devant les conseils de guerre Ney, Labédoyère et dix-neuf autres noms chers à l'armée et à la France. Trente-huit autres étaient condaumés au bannissement. Le prince d'Eckmiihl avait donné sa démission, sa position de généralissime à l'armée de la Loire n'étant plus soute- nable. La Restauration s'apprêtait à le dédommager de sa soumission, elle lui donna pour successeur Macdonald, lequel fut chargé d'opérer en douceur le licenciement. II transféra à Bourges le quartier général de l'armée. « Deux « ordres, en date des 1" et 2 août, firent connaître ce » double changement aux troupes. Macdonald, dans ces » deux ordres, ne prononçait pas encore le mot de licen- » ciement. Il se bornait à annoncer que, pour soulager les » habitants du fardeau des logements militaires, il allait » étendre l'armée. Cette mesure fut le commencement de » la dissolution : on disloqua les brigades et les divisions; )) les régiments d'un même corps ou d'une même arme se » trouvèrent dispersés à de grandes distances les uns des » autres ; on éparpilla jusqu'aux bataillons ou aux esca- » drons de certains régiments. Une fois tous les rapports » brisés, l'ordonnance pour la réorganisation de l'armée » fut rendue publique (le 12 août), et l'on procéda au