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458 HISTOIRE DE MA VIE

Ma mère confia Caroline à ma tante et vint passer l'été à Nohant. 11 y avait sept ou huit mois que je ne l'avais vue, et je laisse à penser quels furent mes transports. Avec elle d'ailleurs ma vie était transformée, Rose perdait son auto- rité sur moi et se reposait volontiers de ses fureurs. J'avais été plus d'une fois tentée de me plaindre à ma mère, aussitôt qu'elle arriverait, des mauvais traitements que me faisait essuyer cette fille ; mais comme, dans sa sincérité de cœur, elle ne se rendait pas compte à elle- même de ses torts envers moi, comme, au lieu de redouter son arrivée, elle se réjouissait de toute son âme de voir madame Maurice, comme elle préparait sa chambre avec sollicitude, comme elle comptait les jours et les heures avec moi, comme elle l'aimait enfin, je lui pardonnai tout, et non-seulement je ne trahis pas le secret de ses violences, mais encore j'eus le courage de les nier, lorsque ma mère en eut quelque soupçon. Je me rappelle qu'un jour ces soupçons s'aggravèrent et que j'eus un certain mérite à lec effacer.

Mon frère avait imaginé de faire de la glu pour^prendre les oiseaux. Je ne sais si c'est dans le Grand ou le Petit Albert, ou dans notre vieux manuel de diablerie qu'il en avait trouvé la recette. Il s'agissait tout bonnement déplier du gui de chêne. Nous ne réussîmes point à faire delà glu, mais bien à barbouiller notre visage, nos mains et nos vête- ments d'une pâle verte d'un ton fort équivoque. Ma mère tra- vaillait près de nous dans le jardin, assez distraite, suivant sa coutume, et ne songeant pas même à se préserver des éclaboussures de notre baquet. Tout à coup je vis venir Rose au bout de l'allée et mon premier mouvement fut de me sauver. « Qu'a-t-elle donc? » dit ma mère à Hippolyte en sortant de sa rêverie et en me regardant courir. Mon frère, qui n'a jamais aimé à se faire des ennemis, répondit qu'il n'en savait rien : mais ma mère était méfiante, ellff