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HISTOIRE DE MA VIE 45-3

sion, quelques-uns ressemblaient. Aucun ne m'inspira de sympathie, et malgré moi je me rappelais toujours les boaux yeux clairs de mon empereur qui s'étaient une fois atlachés sur les miens dans un temps où l'on me disait que cela me porterait bonheur.

Mais voilà que tout à coup, dans les premiers jours de mars, la nouvelle nous arrive qu'il est débarqué, qu'il marche sur Paris. Je ne sais si elle nous vint de Paris ou du Midi ; mais ma grand'mère ne partagea pas la confiance de ces daines, qui écrivaient : « Réjouissons-nous. Cette fois V) on le pendra, ou tout au moins on l'enfermera dans » une cage de fer. » Ma bonne maman jugea tout autre- ment, et nous dit : « Ces Bourbons sont incapables, et Bonaparte va les chasser pour toujours. C'est leur destinée d'être dupes ; comment peuvent-ils croire que tous ces généraux qui ont trahi leur maître ne vont pas les trahir maintenant pour retourner à lui ? Dieu veuille que tout cela n'amène pas de terribles représailles et que Bonaparte ne les traite pas comme il a traité le duc d'Eiighien ! « 

Quant à moi, je n'ai pas grand souvenir de ce qui se passa à Nohant durant les Cent jours. J'étais absorbée dans de longues rêveries où je ne voyais pas clair. J'étais ennuyée d'entendre toujours parler politique, et tous ces brusques revirements de l'opinion étaient inexplicables pour ma jeune logique. Je voyais tout le monde changé et trans- formé du jour au lendemain. Nos provinciaux et nos paysans s'étaient trouvés royalistes tout d'un coup sans que je susse pourquoi. Où étaient ces bienfaits des Bour- bons tant annoncés et tant vantés?

Chaque jour nous apportait vaguement la nouvelle de l'entrée triomjihante de Napoléon dans toutes les villes qu'il traversait, et voilà que beaucoup de gens redevenaient bonapartistes qui avaient crié :A bas le tyran ! et traîné le drapeau tricolore dans la boue. Je ne comprenais pas