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446 HISTOIRE DE MA VIE

Comme on le pense bien, Deschartres me faisait sauter à pieds joints par là-dessus et j'étais beaucoup trop simple pour m'aviser par moi-même de la moindre observation en ce genre. La botanique se réduisait donc pour moi à des classifications purement arbitraires, puisque je n'en saisissais pas les lois cachées , et à une nomenclature grecque et latine qui n'était qu'un aride travail de mémoire. Que m'importait de savoir le nom scientifique de toutes ces jolies herbes des prés, auxquelles les paysans et les pâtres ont donné des noms souvent plus poétiques et toujours plus significatifs : le thym de bergère, la bourse à berger, la patience , le pied de chat , le baume , la nappe , la mignonnette, la boursette, la repousse , le danse- toujours, la pâquerette, l'herbe aux gredots , etc. Cette botanique à noms barbares me semblait la fantaisie des pédants , et de même pour la versification latine et française , je me demandais , dans ma superbe ignorance, à quoi bon ces alignements et cas règles desséchantes qui gênaient l'élan delà pensée et qui en glaçaient le développement. Je me répétais tout bas ce que j'avais entendu dire souvent à ma naïve mère : « A quoi ça sert-il , toutes ces fadaises-là ? » Elle avait le bon sens de Nicole, moi la sauvagerie instinc- tive d'un esprit très-logique sans le savoir et très-positif par cela même qu'il était très-romanesque : ceci peut sem- bler un paradoxe, mais j'aurai tant à y revenir, qu'on me permettra de passer outre pour le moment.