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HISTOIRE DE MA VIE 445

mobile à ses côtés. Elle sentait que cela pouvait être pré-" judiciable à ma santé et elle ne me gardait plus guère auprès d'elle. Elle était poursuivie par une somnolence fréquente, et comme son sommeil était fort léger, que le moindre souffle la réveillait péniblement, elle voulut, pour échapper à ce malaise continuel, régulariser son sommeil de la journée. Elle s'enfermait donc à midi pour faire sur son grand fauteuil une sieste qui durait jusqu'à trois heures. Et puis c'étaient des bains de pieds, des frictions, et mille soins particuliers qui la forçaient à s'enfermer avec made- moiselle Julie, si bien que je ne la voyais plus guère qu'aux heures des repas et pendant la soirée, pour faire sa partie ou tenir les cartes tandis qu'elle faisait des patiences et des réussites. Cela m'amusait médiocrement, comme on peut croire, mais je n'ai point à me reprocher d'y avoir jamais laissé paraître un instant d'humeur ou de lassitude. Chaque jour j'étais donc livrée davantage à moi-même , et les courtes leçons qu'elle me donnait consistaient en un examen de mon cahier d'extraits, tous les deux ou trois jours, et une leçon de clavecin qui durait à peine une demi-heure. Deschartres me donnait une leçon de latin que je prenais de plus en plus mal, car cette langue morte ne me disait rien ; et une leçon de versification française qui me donnait des nausées, cette forme, que j'aime et que j'admire pourtant, n'étant point lamienneet ne me venant pas plus naturellement que l'arithmétique, pour laquelle j'ai toujours eu une incapacité notoire. J'étudiais pourtant et l'arithmétique, et la versification, et le latin , voire un peu de grec et un peu de botanique par-dessus le marché, et rien de tout cela ne me plaisait. Pour comprendre la botanique (qui n'est point du tout une science à la portée des demoiselles), il faut connaître le mystère delà généra- tion et la fonction des sexes ; c'est même tout ce qu'il y a de curieux et d'intéressant dans l'organisme des plantes.