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HISTOIRE DE MA VIE 441

serviteurs, mais des fonctionnaires, sortes d'associés à notrp vie domestique. Nous sommes dans un temps de transition où ces fonctionnaires comprennent peu et exercent mal leurs droits et leurs devoirs. Notre devoir, à nous, est de les conduire peu à peu à ce résultat, qui assurera la sécu- rité et la dignité de notre intérieur. Pour y arriver, il nous faut établir avec les domestiques des relations nouvelles et qui soient tout le contraire de celles du passé. Ainsi deux écueils à éviter avec un soin égal, la hauteur qui blesse et la familiarité qui avilit : la suppression aussi complète que possible des soins inutiles envers nos personnes, car lorsque ces soins sont inutiles, ils ne sont plus l'assistance d'un homme envers un autre homme, ils deviennent une sorte à' hommage rendu par l'esclave au maître : la suppression absolue des formes de langage qui consacrent les usages de la servitude. Je déteste qu'un domestique me parle à la troisième personne, et qu'il me dise madame est servie, quand il peut tout aussi bien m'avertir que c'est le dîner qui est servi sur la table. Nos Berrichons ne connaissent point ce jargon des laquais du beau monde, et ils ont une habitude de politesse que je trouve fort touchante quoi- qu'elle fasse rire ceux qui ne la comprennent pas. Quand on leur demande quelque chose, ils vous répondent je vcuxbien; cela révoltait madame de Déranger. Je Vespère bien I répondait-elle avec dédain ; c'était récompenser par une dureté gratuite la simplicité et le bon cœur de gens qui ne songeaient qu'à lui montrer leur zèle.

Je trouve qu'il faut être d'une politesse scrupuleuse avec les domestiques, ne jamais leur dire : « Faites ceci, » mais « \'oulez-vous faire ceci ; » ne jamais manquer de les re- mercier quand ils vous rendent d'eux-mêmes un petit service, ne fût-ce que de vous présenter un objet; no jamais les appeler sans nécessité pour leur faire faire ce qu'on peut faire soi-même, pour ouvrir ou termer une fenêtre, II. u.