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HISTOIRE DE MA VIE 35

Frimaire an XI (décembre 1802).

Il y a beaucoup d'étrangers et de livrées dans les rues. Les portes des gens en place sont inabordables. C'est tout comme autrefois. Quoi qu'on en dise, le peuple n'en est ni plus heureux, ni plus content. Hier, dans une querelle à la chasse, le général Lccourbe a tué un homme. Deux heures après, les habitants de Corbeil se sont portés à sa maison de campagne et l'ont massacré. Celte nouvelle a consterné tout Paris et surtout le château. Il y a quatre jours, au tirage des conscrits de la section des Gravilliers, il y a eu rébellion de leur part, désarmement de la garde; renfort arrivé, com- bat, et douze hommes de tués. Tout cela n'est pas tort gai.

Je ne sais pas ce que c'est que cette aventure tragique du général Lecourbe. Aucun dos ouvrages que je puis consul- ter n'en fait mention. Il est certain qu'il ne fut pas tué là, et peut-être ce que mon père raconte est-il un bruit sans aucun fondement. Peut-être aussi l'affaire arriva-t-elle comme il la rapporte, sauf la gravité delà catastrophe finale. Plusieurs de mes lecteurs, en consultant leurs souvenirs, en sauront sans doute plus que moi là-dessus. L'événement n'a pourtant rien d'invraisemblable. Le général Lecourbe habi- tiiit alors la campagne aux environs de Paris. Il était sans emploi, et ne reparut sur la scène que i)our défendre avec chaleur le général Moreau, accusé en 1803. Sa dis;-;râce sem- ble antérieure à cet acte d'attachement envers un ami mal- heureux, et elle dura ensuite autant que le règne de Bonaparte. Lecourbe était un héros à la guerre; son énergie