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HISTOIRE DE MA VIE 437

liés de leur position. S'ils sont humiliés de servir, c'est la faute d'un manque de dignité de leur part, car je ne vois pas pourquoi il faut qu'ils servent. Se charger du soin d'un ménage, de la salubrité et de la propreté d'une maison, delà confection des aliments communs, de l'entretien d'un jardin ou d'une écurie, c'est travailler, fonctionner, ce n'est pas servir. Monter derrière une voiture, attacher les souliers d'un maître et lui rendre tous les petits offices qu'il peut se rendre lui-même, c'est différent. Mais je vois avec plaisir que l'usage de cette servitude se perd chaque jour, que peu d'hommes jeunes et sains se font habiller par leurs gens, que les voitures nouvelles ont des sièges devant et derrière pour que les domestiques y soient bien assis, et même qu'on fait des voitures basses oii l'on n'a qu'à pousser soi-même un ressort pour faire tomber et remonter le marchepied, afin de se passer de la vanité et de l'em- barras de promener derrière soi un grand mannequin qui s'enrhuiiic en hiver et se grille en été sans profit pour personne. Ce sont là des indices du progrès invincible de l'égalité dans les mœurs, même chez les gens les moins dis- posés à la reconnaître en principe.

Les services envers la personne se réduisent donc chaque jour et finiront par se borner aux secours qu'un domes- tique peut s'engager à rendre à une personne malade ou débile, et dans ce cas, c'est de l'assistance. Sa fonction est modifiée ; il est une sorte d'infirmier, et si l'infirme est maussade et irritable, l'homme qui l'assiste ne sera pas humilié de le supporter avec une certaine patience, pourvu qu'il n'y ait point abus.

Rien n'est donc avilissant dans les fonctions domestiques, si le fonctionnaire y porte un sentiment justede ses devoirs et de ses droits, s'il empêche celui qui l'emploie d'outre- passer ou d'oublier les siens et s'il ne subit d'exigences que ce qu'il doit en subir aux termes de son traité.