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HISTOIRE DE MA VIE 433

Je dus me résigner, mais ce ne fut pas sans de grands • déchirements intérieurs. J'avais, pour me consoler de temps en temps, une fantaisie en rapport avec ma préoc- cupation dominante. C'était de me figurer que, quand je souffrirais trop, je pourrais exécuter la tendre menace que j'avais faite à ma mère de quitter Nohant seule et à pied pour aller la trouver à Paris. 11 y avait des moments où ce projet me paraissait très-réalisable et je me pro- mettais d'en faire part à Liset, le jour où j'aurais défi- nitivement résolu de me mettre en route. Je comptais qu'il m'accompagnerait.

Ce n'était ni la longueur du chemin, ni la souffrance du froid, ni aucun danger qui me faisait hésiter; mais je ne pouvais me résoudre à demander Taumône en chemin, et il me fallait un peu d'argent. Voici ce que j'imaginai pour m'en procurer au besoin. Mon père avait rapporté d'Italie, à ma mère, un très-beau collier d'ambre aune mat qui n'avait guère d'autre valeur que le souvenir ei qu'elle m'avait donné. J'avais ouï dire à ma mère qu'il l'avait payé fort cher, deux louis ! cela me paraissait îrès- considérable. En outre, j'arvais un petit peigne en corail, un brillant gros comme une tête d'épingle monté en bague, une bonbonnière d'écaillé blonde garnie d'un petit cercle d'or qui valait bien trois francs et quelques débris ae bijoux sans aucune valeur, que ma mère et ma grand'- mère m'avaient donnés pour en orner ma poupée. Je ras- semblai toutes ces richesses dans une petite encoignure de la chambre de ma mère où personne n'entrait que moi, à la dérobée, en de certains jours; et, en moi-même, j'appe- lai cela mon trésor. Je songeai d'abord à le confier à Liset ou à Ursule, pour qu'ils le vendissent à La Châtre. Mais on eût pu les soupçonner d'avoir volé ces bijoux, du mo- ment qu'ils en voudraient faire de l'argent, et je m'avisai d'un meilleur moyen, tout à fait conforme à celui usité

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