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HISTOIRE DE MA VIE 33

» mais. » Pour faire agréer sa demande à sa mère, Mau- rice fait un peu l'ambitieux. Il dit que le moment est bon pour aller travailler à son avancement, qu'il verra Armand Cauleiincourt ^, son ancien ennemi, et qu'il est sûr qu'il lui donnera un coup de main, parce que, après tout, ce per- sonnage, dont le chemin a élé si rapide, n'a pas de raison pour le haïr. « 11 m'a tort ennuyé, et je ne l'ai jamais blessé » dans mes réponses. J'aurais pu le taquiner dans ses » amourettes, mais comme j'aimais ailleurs, j'ai agi loyale- » ment, et il s'en est aperçu. Je ne l'ai jamais cru méchant » ni sot, tant s'en faut, et peut-être, à présent qu'il est en » bon chemin, aura-t-il quitté ses grands airs. Nous vei'- » rons bien. »

Maurice veut aussi revoir le père Harville, son premier général, son grand diable d'Ordener (le père, je crois, du brave colonel Ordener), un autre grand diable qui se con- duisit d'une manière héroïque aux portes de Paris en 18142, Eugène Beauharnais, Lacuée, Maclonald, et enfin son ami Laborde, aide de camp de Junot. Il flatte le désir que sa mère éprouvait dès lors de le voir se placer plus près des regards du premier consul, et lui-même désirait vivement alors entrer dans la garde du premier consul. Il fit quel- ques efforts, comme on le verra, et sans succès comme il était facile de le prévoir, car il était trop préoccupé de son amour pour être un solliciteur actif, et trop naïvement fier pour être un heureux courtisan. J'ai entendu souvent ses amis s'étonner qu'avec tant de bravoure, d'intelligence et de charme dans les manières, il n'ai pas eu un plus rapide avancement, mais je le conçois bien. Il était amoureux, et pendant plusieurs années il n'eut pas d'autre ambition quo celle d'être aimé. Ensuite il n'était pas homme de cour, et on

1. Le duc de Vicence.

^. Ordener le père était en 1802 chef de la garde consulaire.