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HISTOIRE DE MA VIE 419.

ger jetait les hauts cris et se trouvait mal. Si bien que nos amis Brillant et Moustache ne pouvaient plus mettre la patte au salon. Chaque soir, Hippolyte était chargé de mener promener Loi"ette, parce que son air bon apôtre inspirait de la confiance à madame de Béranger ; mais Loretta pas- sait de mauvais quarts d'heure entre ses mains. « Pauvre petite chérie, amour de petite bête ! » lui disait-il sur le seuil de la porte, d'où sa maîtresse pouvait l'entendre ; et à peine la porte était-elle franchie, qu'il lançait Loretie en Pair de toute sa force au milieu de la cour, s'inquiélant peu comment et oij elle retomberait. Je crois bien que Lore'te se figurait aussi avoir seize quartiers de noblesse, car c'était une bête stupide et détestable dans son imper- tinence.

Enfin madame de Béranger et Lorette partirent. Nous ne regrettâmes que sa femme de chambre, qui était une personne de mérite.

La maladie de la bonne maman ne nous avait pas permis de beaucoup rire aux dépens de la vieille comtesse. Les nouvelles du dehors n'étaient pas gaies non plus, et, un jour de printemps, ma grand'mère convalescente reçut une lettre de madame de Fardaillan, qui lui disait : « Les alliés sont entrés dans Paris, ils n'y ont pas fait de mal. On n'a point pillé. On dit que l'empereur Alexandre va nous donner pour roi le frère de Louis XVI, celui qui était en Angleterre et dont je ne me rappeile pas le nom. »

Ma grand'mère rassembla ses souvenirs. « Ce doit être, » dit elle, celui qui avait le titre de Monsieur. C'était un bien » mauvais homme. Quant au comte d'Artois, c'était un » vaurien délestabhî. Allons, ma iille, voilà nos cousins » sur le trône, mais il n'y a pas de quai nous vanter. »

Telle fut sa première imjiression. Et puis, suivant l'im- pulsion de son entourage, elle fut dupe pendant quelque temps des promesses faites à la France, et subit le premier