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418 HISTOIRE DE MA VIE

« L'homme numéro 2 I Écoutez, l'homme numéro i! » Cela faisait grandement rire nos paysans narquois, et au- cun ne se dérangeait ni ne tournait la tête de son côté. « Pardi ! se disaient-ils les uns aux autres en levant les épaules, nous sommes bien tous des hommes, et nous no pouvons pas deviner à qui ello en a, la femme I

11 a fallu une trentaine d'années pour faire disparaître le dégât causé chez nous par madame de Déranger, et pour refermer les brèches de ses points de vue.

Elle avait une autre manie qui me contrariait encore plus que celle des jardins anglais. Elle se sanglait si fort dans ses corsets, que le soir elle était rouge comme une bette- rave et que les yeux lui sortaient de la tête. Elle déclara que je me tenais comme une bossue, que j'étais taillée comme un morceau de bois, et qu'il fallait me donner des formes. En conséquence, elle me fit faire bien vite un corset, à moi qui ne connaissais pas cet instrument de torture, et elle me le sangla elle-même si bien que je faillis me trouver mal la première fois.

A peine fus-je hors de sa présence, que je coupai lesti^- mcnt le lacet, moyennant quoi je pus supporter le buse et les baleines; mais elle s'aperçut bientôt de la supercherie et me sangla encore plus fort. J'entrai en révolte, et me réfugiant dans la cave, je ne me contentai pas de couper le lacet, je jetai le corset dans une vieille barrique de lie de vin où personne ne s'avisa d'aller le découvrir. On le chercha bien, mais si on le retrouva six mois après, à l'époque des vendanges, c'est ce dont je ne me suis jamais enquise.

La petite Âjorclie de Déranger, car madame de la Murlière nous avait appris à donner aux chiens trop gâtés les noms de leurs maîtresses, était un être acariâtre qui sautait à la figure des gros chiens les plus graves et les forçait à sortir de leur caractère. Dans ces rencontres, madame de Béraa-