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406 HISTOIRE DE MA VIE

niers allemands internés dans nos provinces y furent traités avec la douceur et l'hospitalité naturelles autrefois au Ber- richon , mais ils durent à leurs chants et à leur talent pour la valse plus de sympathie et de bons traitements que la pitié ne leur en eût assuré. Us furent les compa- gnons et les amis de toules les familles où ils s'établirent ; quelques-uns même s'y marièrent.

Je crois bien que cette année-là fut la première que je passai à Nohant sans Ursule. Probablement nous avions été à Paris pendant l'hiver, et, à mon retour, la séparation était un fait préparé et accompli, car je ne me rappelle pas qu'il ait amené de la surprise et des larmes. Je sais que cette année-là, ou la suivante, Ursule venait me voir tous les dimanches, et nous étions restées tellement liées, que je ne pas'^ais pas un samedi sans lui écrire une lettre pour l'ii recommander de venir le lendemain, et pour lui en- voyer un petit cadeau. C'était toujours quelque niaiserie de ma façon, un ouvrage en perles, une découpure en pa- pier, un bout de broderie. Ursule trouvait tout cela magni fique et en faisait des reliques d'amitié.

Ce qui me surprit et me blessa beaucoup, c'est que tout d'un coup elle cessa de me tutoyer. Je crus qu'elle ne m'aimait plus, et quand elle m'eut protesté de son altache- n)ent, je crus que c'était une taquinerie, une obstination, je ne sais quoi enfin, mais cela me parut une insulte gra- tuite, et, pour me consoler, il fallut qu'elle m'avouât que sa tante Julie lui avait solennellement défendu de rester avec moi sur ce pied de familiarité inconvenante. Je courus en demander raison à ma grand'mère, qui confirma l'arrêt en me disant que je comprendrais plus tard com- bien cela était nécessaire. J'avoue que je ne l'ai jamais compris.

J'exigeai qu'Ursule me tutoyât quand nous serions tête à tête. Mais comme à ce compte elle n'eût pu guère prendre