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l'armée et l'empereur perdus pendant quinze jours. — Vision. — Un mot dft l'empereur sur mon père. — Les prisonniers allemands. — Les Ty- roliennes. — Séparation d'avec Ursule. — Le tutoiement. — Le grand lit jaune.— La tombe de mon père. — Les jolis mots de M. de Talleyrand. — La politique des vieilles comtesses. — Un enfant patriote. —Autre vision. — Madame de Béranger et ma mère. — Les soldats affamés en Sologne. — L'aubergiste jacobin. — Maladie de ma grand'mère. — Ma- dame de Béranger dévaste notre jardin. — Le corset. — Loretta de Béranger. — Entrée des alliés à Paris. — Opinion de ma grand'mère sur les Bourbons. — Le boulet do canon. — Les belles dames et les Cosaques.

Les enfants s'impressionnent à leur manière des faits généraux et des malheurs publics. On ne parlait d'autre chose autour de nous que de la campagne de Russie, et pour nous c'était quelque chose d'immense et de fabuleux comme les expéditions d'Alexandre dans l'Inde.

Ce qui nous frappa extrêmement, c'est que pendant quinze jours, si je ne me trompe, on fut sans nouvelles de l'empereur et de l'armée. Qu'une masse de trois cent mille hommes, que Napoléon, l'homme qui remplissait l'univers de son nom et l'Europe de sa présence, eussent ainsi dis- paru comme un pèlerin que la neige engloutit, et dont on ne retrouve pas même le cadavre, c'était pour moi un fait incomprt'heiisible. J'avais des rêves bizarres, des élans d'i- magination qui me donnaient la lièvre et remplissaient mon sommeil de fantômes. Ce fut alors qu'une singulière fantaisie, qui m'est restée longtemps après, commença à s'emparer de mon cerveau excité par les récils et les com- mentaires qui frappaient mes oreilles. Je me figurais, à un