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jamais autorité a méprisé profondément et compté pour rien la vie et la propriété des hommes, c'est dans les mo- narchies absolues qu'il faut aller chercher l'idéal d'un pa- reil système. Mais l'autorité de Napoléon recommença, dès ce moment de nos désastres en Russie, à représenter l'in dividualité, l'indépendance et la dignité de la France. Ceux qui en jugèrent autrement pendant la lutte de nos armées avec la coalition tombèrent dans une erreur fatale. Les uns, ceux qui se préparaient à trahir, commirent sciem- ment ce mensonge envers la conscience publique. D'autres, les pères du libéralisme naissant, y tombèrent probable- ment de bonne foi. Mais l'histoire commence à faire justice de leur rôle en cette affaire. Ce n était pas le moment de s'aviser des empiétements de l'empereur sur nos libertés politiques, lorsque le premier représentant de notre libéra- lisme allait être le Russe Alexandre.

J'avais donc huit ans quand j'entendis débattre pour la première fois ce redoutable problème de l'avenir de la France. Jusque-là je regardais ma nation comme invinci- ble, et le trône impérial comme celui de Dieu même. On suçait avec le lait, à cette époque, l'orgueil de la victoire. La chimère de la noblesse s'était agrandie, communiquée à toutes les classes. Naître Français, c'était une illustra- tion, un titre. L'aigle était le blason de la nation tout entière.