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HISTOIRE DE MA VIE 31

lement par le canal de Berthier. Adieu, ma bonne mère aime-moi toujours malgré ma tristesse.

LETTRE V

Charleville, 10 brumaire an XI (novembre).

Tu rends avec vérité, ma bonne mère, la peine qu'on éprouve en se séparant de ceux auxquels de bonnes qualités et une longue habitude nous ont attachés; je conçois par- t'aitement le chagrin que cela t'a causé, et le poids dont tu te sens allégée cependant. L'attente d'une chose pénible l'est encore plus que la chose elle-même. Je t'assure que, de mon côté, il m'en coûte bien de savoir que je ne reverrai plus à Nohant la bonne Miémié; car, ses humeurs à part, elle était véritablement excellente, et je n'aurais jamais cru qu'elle pût se décider à nous quitter. Mais puisque la chose ett faite malgré tous mes regrets, je sais bien que tu seras plus libre et mieux soignée. Un arrangement dont je m'ap- plaudis tous les jours, c'est celui par lequel j'ai attaché Deschartres aux destinées de Nohant K C'est vraiment la perle des cœurs honnêtes; on n'est pas pkis brutal que lui, et en même temps d'une déHcatesse plus rare. Je me trans- porte en imagination chaque soir auprès de toi, et j'y vois tes longues et tristes veillées. Je t'assure que, de mon côté, je ne suis pas plus gai ici. Ma jambe me sert un peu de prétexte maintenant pour m'enfermer dans ma chambre et me dispenser des éternels dîners et des insipides soirées chez le préfet, ou le commandarit, ou le commissaire des guerres. Jetais du moins chez moi de la musique tout à mon aise, quelques mauvais vers de temps en temps, et le plu>;

i. Deschartres était devenu fermier d? ma grand'mère.