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398 HISTOIRE DE MA VIE

Les visites que nous recevions et que nous rendions me mettaient en rapport avec de jeunes enfants qui sont restés les amis de toute ma vie. Le capitaine Fleury, dont il est question dans les premières lettres de mon père, avait un fils et une fille. La fille, charmante et excellente personne, est morte peu d'années après son mariage; son frère Al- phonse est resté un frère pour moi. M. et madame Duver- net, les amis de mon père et les compagnons de ses joyeux essais dramatiques eni797, avaient un fils que je n'ai guère perdu de vue depuis qu'il est au monde, et que j'appelle aujourd'hui mon vieux ami, bien qu'il soit plus jeune que moi. Enfin notre plus proche voisin habitait et habite en- core un joli château de la renaissance, ancienne apparte- nance de Diane de Poitiers. Ce voisin, M. Papet, amenait sa femme et ses enfants passer la journée chez nous, et son fils Gustave était encore en robe quand nous fîmes con- naissance. Yoilà trois pères de famille que j'ai connus en petits jupons et en bourrelets, que j'ai pris dans mes bras déjà robustes pour leur faire cueillir des cerises aux arbres de mon jardin, qui m'ont tyrannisée des journées entières (car dès mon enfance j'ai aimé les petit-^ enfants avec une passion maternelle), et qui, souvent depuis, se sont crus pourtant plus raisonnables que moi. Les deux aînés sont déjà un peu chauves et moi je grisonne. J'ai peine aujour d'hui à leur persuader qu'ils sont des enfants, et ils ne se souviennent plus des innombrables méfaits que j'ai à leur reprocher. Il est vrai que des amitiés de quarante ans ont pu réparer bien des sottises, robes déchirées, joujoux cas- sés, exigences furibondes, j'en passe, et des meilleures! C'était un peu ma faute, et je ne pouvais pis m'empêcher de rire, avec mon frère et Ursule, de leurs lurpitudes. Il n'y avait pas si longtemps que nous les trouvions char- mantes à commettre pour notre propre compte. Au milieu de nos jeux et de nos songes dorés, les nou*