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HISTOIRE DE MA VIE 395

qu'Ursule avait pour moi, elle adorait Nohant. Elle était . plus sensible que moi au bien-être, et elle jouissait plus que moi de la liberté, puisque, sauf quelques leçons de coulure et de calcul que lui donnait sa tante Julie, elle était livrée à une complète indépendance. Je dois dire qu'elle n'en abusait pas et que par caractère elle était îk- borieuse. Ma mère lui apprenait à lire et à écrire, et tandis que je prenais mes autres leçons avec Deschartres ou avec ma bonne maman, bien loin de songera aller courir, elle restait auprès de ma mère, qu'elle adorait et qu'elle entourait des plus tendres soins. Elle savait se rendre utile, et ma mère regrettait de n'avoir pas le moyen de l'emmener à Paris pendant l'hiver.

Ce maudit hiver était le désespoir de ma pauvre Ursule. Toute différente de moi en ceci, elle se croyait exilée quand elle retournait dans sa famille. Ce n'est pas que ses pa- rents fussent dans la misère. Son père était chapelier et gagnait assez d'argent, surtout; dans les foires, où il allait vendre dos chapeaux à pleines chairetées aux paysans. Sa femme, pour aider cà son débit, tenait ramée dans ses foi- res ; mais ils avaient beaucoup d'enfants, et de la gêne, par conséquent.

Ursule ne pouvait supporter sans se plaindre ce chan- gement annuel de régime et d'habitudes. On pensa que le richement menaçait de lui tourner la tête, on commença à regretter de lui avoir fait manger son pain blanc le pre- mier^ et on parla de la reprendre et delà mettre eu appren- tissage pour lui donner une profession. Je ne voulais pas entendre parler de cela, et ma grand'mère hésita quelque temps. Elle avait quelque désir de garder Ursule, disant qu'un jour elle pourrait gouverner ma maison et s'y rendr(! utile en ne cessant pas d'être heureuse; mais il y avait du temps jusque-là; on ne savait ce qui pourrait ai-river, el Ursule n'était pas d'un caractère à être jamais une fdlc de