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HISTOIRE DE MA VIE 391

magique, où les objets réels devienHenl les riantes images de leurs rêves; mais un jour arrive où le talisman perd sa vertu, ou bien la glace se brise et les éclats sont dis- persés pour ne jamais se réunir.

Tel fut pour moi l'éparpillement de toutes les personnes et de presque toutes les choses qui remplirent ma vie de Paris jusqu'à l'âge de dix-sept ou dix-huit ans. Ma grand'- mère et tous ses vieux amis des deux sexes moururent un à un, mes relations changèrent. Je fus oubliée, et j'oubliai moi-même une grande partie des êtres que j'avais vus tous les jours pendant si longtemps; j'entrai dans urie nouvelle phase de ma vie; qu'on me pardonne donc de trop m'ar- rêtef dans celle qui a disparu pour moi tout entière.

Je voyais de temps en temps les neveux de mon père et la nombreuse famille qui se rattachait à l'aîné surtout, René, celui qui habitait le joli petit hôtel de la rue dé Grammont. Je n'ai encore rien dit de feés enfants, afin de ne pas embrouiller mon lecteur dans cette complication de générations, et, au reste, je n'ai rien à dire de son fils Sep- time, que j'ai peu connu et qui ne m'était point sympa- thique. Le rêve de ma grand'mère était de me marier avec lui ou avec son cousin Léonce, fils d'Auguste, mais je n'étais pas un parti assez riche pour eux, et je crois que ni eux ni leurs parents n'y songèrent jamais. Les propos des bonnes me mirent de bonne heure, malgré moi, au courant de cette rêverie de ma bonne grand'mère, et c'est une grande sottise de tourmenter les enfants par ces idées de mariage. Je m'en préoccupai longtemps avant l'âge où il eût été né- cessaire d'y songer, et cela produisit en moi une grande inquiétude d'esprit. Léonce me plaisait comme un enlant peut plaire à un autre enfant; il était gai, vif et obligeant. Seplime était froid et taciturne, du moins il me semblait tel, parce que je me croyais destinée à lui plus particuliè- rement, ma grand'mère ayant plus d'amitié pour son père