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HISTOIRE DE MA VIE 389

OÙ nous trouvions moyen de faire bien du chemin. Au-* dessus de nous demeurait madame Périer, fort jolie et pimpante personne, belle-sœur de Casimir Périer. Au second, c'était le général Maison, soldat parvenu, dont la fortune élait récemment respectable, mais qui a été un des premiers à abandonner l'empereur en 1814. Ses équipages, ses or- donnances, ses mulets couverts de bagages (je crois qu'il partait pour l'Espagne à cette époque, ou qu'il en revenait) remplissaient la cour et la maison de bruit et de mouve- ment; mais ce qui me frappait le plus, c'était sa mère, vieille paysanne qui n'avait rien changé à son costume, à son langage et à ses habitudes de parcimonie rustique; toute tremblotante et cassée qu'elle était, elle assistait dans la cour, par le plus grand froid, au sciage des bûches et au inesurage du charbon. Elle avait des querelles de l'autre monde avec le concierge, à qui elle arrachait des mains la bûche dite du portier, lorsqu'il la choisissait un peu trop grosse. Cela avait son beau et son mauvais côté; mais je défie que d'ici à longtemps on fasse passer le paysan de la misère à la richesse sans porter son avarice à l'extrême. L'existence de cette pauvre vieille était une fatigue, un souci, une fureur sans relâche.

Nous avons occupé cet appartement de la rue Thiroux jusqu'en -1816. En 1832 ou 33, cherchant à me loger, j'ai aperçu un écriteau sur la porte et je suis entré, espérant que c'était le logement de ma grand'mèro qui se trouvait vacant. Mais c'était le pavillon du fond et on en demandait, je crois, dix-huit cents francs, prix beaucoup trop élevé pour mes ressources à cette époque. Je me suis pourtant donné le plaisir d'examiner ce pavillon afin de parcourir la ccur plantée où rien n'était changé, et de voir en face les croisées de la chanibre de ma bonne maman, d'où elle me faisait signe de rentrer lorsque je m'oubliais dans le jardin. Tout ou causant avec le portier, j'appris que cette M. lit