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HlbiOIRE DE MA VIE 381

lants le sentiment de sou bonheur. Pourtant Je sommeil vainquit cette ivresse, et quand ma bonne m'éveilla pour partir, nous vîmes Hippolyte qui s'était laissé glisser par terre et qui dormait sur le carreau, devant la cheminée.

On partait avant le jour pour arriver à la Brande au le- ver du soleil, afin d'en être sorti à son coucher. Toute une iournée pour faire ces quatre ou cinq lieues de traverse! Ce n'était pas trop avec Saint-Jean, qui ménageait ses bêtes, et ne manquait jamais de se perdre, pour peu qu'il eût bu le coup de l'étrier. Quand, par instinct, ses chevaux suivaient le bon chemin, il s'endormait profondément sur sa selle, et alors gare aux frondrières, et tant pis pour nous!

Heureusement, cette fois nous avions une escorte. Des- chartres, qui connaissait bien la route, marchait devant au petit trot, et Hippolyle, sur les flancs, stimulait l'ardeur de nos chevaux et tenait Saint-Jean en haleine.

Je vis peut-être un peu moins ma mère à Paris dans l'hiver de 1811 à 1812. On m'habituait peu à peu à me passer d'elle, et, de son côté, sentant qu'elle se devait da- vantage à Caroline, qui n'avait pas de bonne maman pour la gâter, elle secondait le désir qu'on éprouvait de me voir prendre mon parti. J'eus, cette fois, des distractions et des plaisirs conformes à mon âge. Ma grand'mère était liée avec madame de Fargès, dont la fille, madame de Pont- carré, avait une fille charmante nommée Pauline.

On nous fit faire connaissance, et nous sommes restées intimement liées jusqu'à l'époque de nos mariages respec- tifs, qui nous ont éloignées l'une de l'autre, avec des cir- constances que je raconterai en leur lieu.

Pauline qui fut plus tard une ravissante jeune fille, était un enfant blond, mince, un peu pâle, vif, agréable et fort enjoué. Elle avait une magnifique chevelure bouclée, des yeux bleus superbes, des traits réguliers, et, à peu de chose